En difficulté au Sahel, la France se positionne en Afrique anglophone
Ouagadougou, 21 juillet 2024, L’influence française en Afrique traverse une période de bouleversements majeurs. Historiquement implantée dans ses anciennes colonies du Sahel, la France fait face à un rejet croissant. Le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont successivement exigé le départ des troupes françaises, critiquant Paris pour son inefficacité dans la lutte contre le terrorisme et son ingérence dans leurs affaires intérieures. Ces revers ébranlent la stratégie traditionnelle de la France dans la région et l’obligent à repenser son approche du continent.
En réponse à ces défis, la France semble adopter une nouvelle stratégie en renforçant sa présence économique en Afrique anglophone. Le Nigeria, géant démographique et économique du continent, en est l’exemple le plus marquant. Au premier trimestre 2024, la France est devenue le premier client du pays, surpassant l’Espagne et les États-Unis. Avec des importations atteignant 1,4 milliard de dollars, soit 11,05% des exportations nigérianes, la France s’affirme comme un partenaire commercial de premier plan.
Cette avancée française au Nigeria peut être perçue comme un mouvement stratégique dans une partie d’échecs économique. En diversifiant ses partenaires commerciaux au-delà de ses alliés traditionnels d’Afrique francophone, la France cherche à maintenir son influence sur le continent tout en s’adaptant aux nouvelles réalités géopolitiques.
L’or noir nigérian coule désormais à flots vers les ports français. Les hydrocarbures représentent 88% des achats de la France, transformant cette relation commerciale en un véritable pipeline économique. Cette dépendance mutuelle crée un lien fort entre les deux nations, comparable à un mariage de raison dicté par les lois du marché.
Cependant, la France n’est pas seule à courtiser le Nigeria. La Chine, avec ses prix compétitifs et sa politique de visas moins restrictive, est devenue le premier fournisseur du pays. L’Empire du Milieu gagne du terrain face à une Europe perçue comme de plus en plus inaccessible.
Cette nouvelle dynamique économique soulève des questions sur l’avenir des relations franco-africaines. La France parviendra-t-elle à transformer ses succès commerciaux en influence politique durable ? Le renforcement des liens avec l’Afrique anglophone compensera-t-il les pertes d’influence dans le Sahel ?
L’évolution de la position française en Afrique s’apparente à une partie de Monopoly à l’échelle continentale. Déplacée de certaines de ses cases historiques, la France mise sur de nouvelles opportunités pour maximiser ses gains tout en minimisant les risques géopolitiques.
En conclusion, la France se trouve à un tournant de son engagement africain. Confrontée à des défis sans précédent dans ses zones d’influence traditionnelles, elle réinvente sa présence sur le continent en misant sur des partenariats économiques diversifiés. Le succès de cette stratégie dépendra de sa capacité à naviguer dans les eaux tumultueuses de la géopolitique africaine, où les intérêts économiques se mêlent aux enjeux de sécurité et de soft power. L’Afrique, théâtre d’une compétition internationale accrue, reste plus que jamais au cœur des ambitions françaises, dessinant les contours d’une nouvelle ère dans les relations franco-africaines.